Entre mer et terre, dans l’attente de pouvoir partir. C’est là-bas que je me sens à ma place. Alors j’attends, beaucoup. J’attends de savoir où aller, quel chemin prendre. Les schémas dans ma tête se répètent: douter de mes capacités à accomplir la moindre action, donc ne rien entreprendre, ne pas me sentir productive/valorisée, remettre en question les actes en cours puis finir par tout remettre en question. Ne plus savoir. Et l’année prochaine qu’est ce que je veux faire ? Et ce soir je mange quoi ? Qu’est-ce que je fais de toutes ces heures, ces journées, qui m’attendent ? J’attends que la vie.

J’ai à la fois envie et peur de tout mais je suis capable de rien, je n’ai plus aucune valeur à mes yeux. Je crois que toutes manières, plus rien n’a de valeur. Tout ce qui reste c’est ma famille, mon entourage et une pile de mouchoirs usés, eux aussi, par mes sanglots que rien ne semble calmer. Du coup je me sens aussi très seule. Je suis vidée de toute énergie, j’ai envie de faire la sieste dès le réveil. Plus rien autour n’existe. 

J’essaye de me bouger, alors je me répète “you fake it till you make it” toute la journée, j’écoute de la musique heureuse, et je dis à tout le monde qu’aujourd’hui promis je vais manger, sortir, aller mieux.

En vérité ça prend des jours pour que l’envie revienne me chatouiller le ventre. La voile toujours, mais je veux aussi rire, rencontrer des gens, me faire entrée plat dessert 5 fois par jour. Je déborde d’idées. C’est comme s’il fallait que je comble ces jours de vide.

Ces épisodes sont un peu comme des traversées. Des moments en l’air, hors du temps. On en perd d’ailleurs la notion. Je sais que je l’ai déjà vécu, que je m’en suis déjà sortie. Comme en mer, il y a eu un depart et il y aura une arrivée, l’entre deux, lui, est plus flou. Et tout comme les émotions, on ne peut contrôler les conditions. Ce qu’on peut faire de mieux pendant cet entre deux, c’est de les comprendre, d’être préparé quand elles auront décidé de changer. Parfois brusquement, sans prévenir, comme une vague qui prend par surprise le bateau et ses marins, les laissant trempés, lessivés. 

D’autres fois, on aura eu des heures pour observer l’approche d’un nuage trop gris pour qu’il  annonce une bonne nouvelle.

La seule certitude qu’on a c’est qu’on finit toujours par apercevoir une éclaircie, un bout de terre.

On est jamais trop sur de quand cela va arriver, ni dans quel état nous serons. Cette fois-ci je m’en suis pas trop mal sortie: les cheveux devenus rouges, d’innombrables heures de sommeil et tout autant de neurones cramés par des journées passées sur mon téléphone à regarder du contenu qui ne m’intéresse pas. Toutes manières rien ne m’intéresse dans ces moments.

Mais cette fois-ci j’ai eu une envie: faire des images. J’ai photographié les paysages qui ont fait mon quotidien pendant ces moments, comme pour prouver que je n’étais pas seule, que ce n’est pas moi qui ai inventé ce vide, cette tristesse. Elle était là, présente dans le paysage et elle m’a été transmise. Ces images sont le témoin de ma réalité. 

C’est pas de ma faute regardez.

À travers ces lieux anonymes et intemporels, je me suis petit à petit retrouvée.

La mer c’est se retrouver face à soi même dans le beau temps ainsi que dans la tempête. La mer c’est l’expérience de la vie.


    - Quimper, Février 2024